Ah, ce premier et extatique tour de manivelle qui nous délivre de toute pesanteur.

L'ivresse accordée à nos carcasses branlant d'un pied sur l'autre.

La découverte de la légèreté enfin !

En équilibre entre ciel et terre, où la pensée vagabonde…

​

N'ayant rien inventé de plus essentiel que la roue, l'homme n'a pas fait mieux pour en tirer toute la quintessence que d'inventer le vélo. Instrument de toutes les griseries, la divine bécane s'aborde avec crainte et précautions avant de provoquer une inextinguible fièvre. C'est ainsi qu'elle enfante de tout temps (au moins le sien qui est encore, fort heureusement, le nôtre) des champions et des fous qui n'ont de cesse d'aller plus vite, plus loin, plus haut.

 

C'est folie que cet enivrement dans l’espace, cette ivrognerie de l’effort, cette soif de l'excès ! Mais si les champions volants, les dieux de la montagne, les conquérants de l'inutile nous sont aussi nécessaires, c'est que nous en voudrions un peu de cet air qu'il respire à s'en faire éclater les poumons ; parce que c'est cela vivre ! Phénomène unique dans l'histoire de l'humanité, l'homme se prolonge d'un fragile squelette d'acier pour fendre l'air et traverser les paysages jusqu'aux plus hautes cimes ; et phénomène encore plus improbable : il en est pour les regarder passer !

 

Vous-mêmes, n’avez-vous jamais été survolé pour un instant ou pour l'éternité par l'ombre tutélaire d'un champion modeste et fabuleux qui vous tend son bidon quand l'ascension de la butte Montmartre ou le col de l'Izoard, c'est selon, devient un calvaire… ?

 

Et les amateurs de roue libre ne manquent pas : explorateurs infatigables en culottes courtes, experts en flânerie amoureuse, baladeurs de grands chemins, citadins voltigeurs, vieillards édentés courbés sur une dernière élégance, tous sont porteurs d’une nouvelle, la première de toute : pédaler c'est vivre !

                                                                                               

Pat Atrac.